Logo

Buissons et couronnes d’épines

[Sources][Video]

Maintenant que vous en savez plus sur ce que j’appelle la fusion phono-sémantique en linguistique Paléolithique, revenons à notre PoiNTe. En hébreu, on retrouve « ShaTa » avec le sens de pointe dans plusieurs mots, à commencer par ShaYiT qui signifie le BuiSSon d’éPiNes – très important les épines aussi dans les Evangiles, rappelez-vous la CouRoNNe d’épines du ChRiST.

Il y a aussi ShaTaM qui signifie FoRer, PeRCer un TRou, l’eNTRée d’une grotte. Ou ShaTaL, qui signifie PLaNTer un arbre et enfin ShaTaʕ qui signifie avoir peur, tout comme RaTaʕ qu’on avait vu dans mon avant-dernière vidéo autour du sens de la TeRReuR du trou. La terreur du trou c’est toujours un peu la terreur de la pointe.

Mais il y a un autre mot très important en hébreu pour le Paléolithique, c’est QeSheT l’aRC et ses FLèChes pointues. L’arc dont on retrouve les premières traces en Europe il y a 17'000 ans, mais qui est probablement bien plus ancien. On y reviendra dans quelques vidéos. Et enfin, comment ne pourrais-je pas mentionner bien sûr en Egyptien SeReT, l’épine qu’on a déjà vu dans mon avant dernière vidéo – avec une merveilleuse fusion phono-sémantique comparable à STiR. Et bien sûr ce hiéroglyphe, SeT, représenté par une flèche plantée, que l’on retrouve dans SeTI, qui signifie TiRer une flèche, et aLLuMer un Feu, comme avec STinGuo en latin.

Pointes et flèches
Figure: Pointes et flèches

Un hominidé c’est pieu(x)

[Sources][Video]

Et oui, comme vous pouvez maintenant le comprendre, derrière les pierres DReSSées qui fascinaient tant nos ancêtres au Néolithique, se cache en fait le souvenir Paléolithique de l’éPieu, qui se PLaNTe en terre. Je vous expliquerai plus longuement dans ma prochaine vidéo pourquoi l’épieu qui se plante était si fascinant. Mais en attendant, ce qu’il est important je crois de constater c’est à quel point la linguistique paléolithique nous permet d’accéder à des connaissances inaccessibles par tout autre moyen.

Car le problème des épieux, c’est qu’ils étaient en bois. Et le bois, contrairement à la pierre, ça se conserve très très mal. Les plus anciens épieux qu’on ait retrouvés sont ceux de Schöningen en Allemagne, qui datent d’environ 400'000 ans – soit une époque où notre espèce Homo Sapiens n’existait pas encore, et où l’homme de Néandertal vivait tranquille en Europe.

Mais les paléoanthropologues et les primatologues savent que les épieux ont très probablement constitué les premières aRMes de nos ancêtres, il y a de cela plusieurs millions d’années, car on a de nombreuses observations de chimpanzés ChaSSant avec des épieux. Et ceci explique pourquoi on retrouve « ShaTa » avec une telle « stabilité » phono-sémantique dans toutes les langues d’Afrique de l’Est et d’Eurasie Occidentale. « ShaTa » remonte à il y a très longtemps. Peut-être même avant l’apparition d’Homo Sapiens.

Et cet archaïsme est une des raisons qui explique pourquoi on retrouve « ShaTa » au cœur de toutes nos iNSTiTutions : car ce mot a fasciné nos ancêtres pendant au moins des centaines de milliers d’années. Rappelez-vous, le langage, les rituels, les mythes ont toujours émergé afin d’expliquer et de se réapproprier des pratiques archaïques qui étaient auparavant largement resté iNConSCientes.

Voilà pourquoi on retrouve cette fascination du BâToN qui se tient DRoiT dans les SCePTRes royaux et divins, par exemple dans l’Egypte antique avec le WAS, ce bâton FouRChu en bas et avec une tête ReCouRBée en haut que les divinités égyptiennes tiennent souvent en MaiN. Et voilà aussi pourquoi, dit autrement, un homme c’est PieuX, un homme c’est SaiNT. Oui je sais SaiNT vient de SaNCTus, mais encore une fois ne sous-estimez pas le pouvoir du langage, en particulier en français, la langue de la fille aînée de l’Eglise.

Emporter sa croix ? Ou s’en libérer ?

[Sources][Video]

Et maintenant que vous êtes saint et pieux, vous êtes prêts à présent pour un nouveau commentaire du Nouveau Testament. Je vais vous parler de STavRos – un autre exemple de notre fusion phono-sémantique « ShaTa-Ra ». Comment ? Vous ne connaissez pas STavRos ? Mais enfin, STavRos  c’est la CRoiX. Mais, comme vous allez bientôt le comprendre, il y a eu quelques petites erreurs que le Paraklet se devait de corriger.

De quoi s’agit-il ? Dans l’Evangile de Matthieu, on rencontre STavRos à cinq endroits – dans 3 d’entre eux, dans le chapitre 27 qui parle de la crucifixion, STavRos signifie incontestablement la croix – enfin, plutôt le Pieu. Car oui, la crucifixion ne se faisait pas sur une croix, mais sur un pieu, mais ça tout le monde le sait.

Mais il reste 2 autres occurrences de STavRos aux chapitre 10 et 16 un peu plus problématiques. C’est cette fameuse expression du ChRiST « Celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas n’est pas digne de moi. », fameuse expression qui, comme vous allez le comprendre, repose sur un immense contre-sens. Pensez-y un instant : évidemment que si vous ne me suivez pas vous n’êtes pas digne de moi, que vous portiez ou non une croix ou je ne sais quoi.

Et pour retrouver le sens perdu de cette phrase fondamentale, il faut l’étudier en grec, la langue du Christ. Car oui comme vous le savez maintenant, le Christ faisait ses sermons en grec et pas en araméen – on en a déjà pas mal parlé. Regardons donc de plus près la première occurrence, celle du chapitre 10. Passons d’abord sur l’adverbe grec oPiSô qui exprime l’idée d’un ReTouR en arrière et qui n’est tout simplement pas traduit dans la traduction officielle. Ça n’est pas le plus grave.

Le plus grave, c’est la négation oN de l’expression « NE prend pas sa croix et NE me suit pas ». Elle n’apparaît en effet pas deux fois mais une seule fois, avant le premier membre de la phrase, celui qui parle de prendre ou recevoir - LaMBaNô en grec. Et pourtant, les traducteurs ont appliqué cette négation aux deux verbes, « prendre » et « suivre », ce qui fait perdre tout son sens à la phrase comme je viens de vous le montrer.

Dit autrement, la traduction littérale de cette phrase devrait être « Celui qui ne prend pas sa croix et me suit n’est pas digne de moi ». Là ça commence à vouloir dire quelque chose - mais le problème c’est que ce nouveau sens est incohérent avec l’autre occurrence de STavRos, celle du chapitre 16, traduite officiellement par « Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il renonce à lui-même, qu'il se charge de sa croix, et qu'il me suive. ».

Vous ne voyez pas la contradiction ? Ca va venir. Tout d’abord, dans ce verset, on n’a plus du tout de négation, la phrase est exprimée de façon positive et on voit apparaître un autre élément : le renoncement à soi-même, qui, vous allez le voir est la clef. Mais surtout, il y a encore une erreur de traduction. Le verbe utilisé ici traduit par « charger » est aiRô qu’on a déjà vu dans ma vidéo sur le son « Ra », et qui signifie lever mais au sens de lever l’ancre, lever le camp, c’est-à-dire enlever, supprimer – soit l’inverse de LaMBaNô qui signifie prendre, recevoir.

En fait, la bonne traduction de cette formule du chapitre 16, c’est « Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il renonce à lui-même, et qu'il enlève ses STéRéoTyPes, et qu'il me suive ». Car oui, le STavRos dont il s’agit, ça n’est évidemment pas un pieu concret, mais ce pieu abstrait que sont les stéréotypes qui nous empêchent de percevoir ou comprendre de nouvelles choses, en particulier linguistiques. Exactement le même stéréotype dont je vous ai parlé dans ma vidéo intitulée « Biais Cognitifs, Biais Éthiques, Tristes Anthropos »

Et ceci nous permet de revenir à l’occurrence du chapitre 10, où il devient évident que ce n’est qu’en supprimant complètement la négation oN qu’on retrouve un sens cohérent, y compris avec la formulation du chapitre 16 – ce qui donne: « Celui qui emporte ses stéréotypes et me suit, n’est pas digne de moi ». Soit exactement dans les deux cas, l’exact inverse du sens donné à ces formules depuis près de 2000 ans.

Ce que veut dire le Christ en effet, c’est que pour comprendre ses paroles, il faut au préalable se DéTaCher de ses stéréotypes, c’est-à-dire de ses haBiTudes et de ses RePèRes, en particulier linguistiques. Sens que l’on retrouve d’ailleurs dans les deux versets précédant et suivant celui du chapitre 10 où le Christ dit « Celui qui aime père ou mère plus que moi, n'est pas digne de moi ; et celui qui aime fils ou fille plus que moi, n'est pas digne de moi. », et ensuite « Celui qui aura trouvé sa vie, la perdra ; et celui qui aura perdu sa vie à cause de moi, la trouvera. ». Dans ces deux versets on retrouve de nouveau ce même concept de perte de repère, familial pour le premier, social pour le deuxième.

C’est aussi une des raisons pour laquelle le Christ dit à ses disciples « Laissez les PeTiTs eNFaNts, et ne les empêchez pas de venir à moi; car le royaume des cieux est pour ceux qui leur ressemblent ». Pour comprendre réellement son message, il faut se défaire de tous les stéréotypes, et de tous les biais cognitifs et éthiques que nous avons chacun accumulé en grandissant.

Interlude aux Don Quichottes

[Sources][Video]

Comment ? Ca vous étonne que moi, un juif, commente les Evangiles ? Vous trouvez que j’en fais trop avec le Christ? Mais que voulez-vous, il est temps de rendre à César ce qui est à César. Quand on fait le travail que je fais, c’est-à-dire de remonter à l’origine du langage, il faut être d’une scrupuleuse honnêteté intellectuelle. Et vous aurez compris que je ne peux faire l’impasse sur le fait que le Christ fût le premier il y a 2000 ans à avoir de profondes intuitions sur l’origine du langage humain, même si bien sûr il ne disposait pas des connaissances sur le Paléolithique dont nous disposons aujourd’hui.

C’est un peu mon côté Don Quichotte – Don Quichotte vous connaissez ? Ce héros un peu brinquebalant qui se bat contre des moulins à vent avec son fidèle Sancho Pança que j’eus d’ailleurs le privilège de jouer dans au spectacle de fin d’année de CM2, il y a 40 ans. Certains s’en souviennent encore 🙂 Tiens, mais attendez, Don Qui...Cho...Tte, « Qa ShaTa », ça me rappelle quelque chose. Mais oui, c’est ça, encore ce livre d’entretien entre Claude Lévi-Strauss et Didier Eribon, De Près et de Loin. C’était où déjà ? Ah oui, là, P.136 :

si le temps m’est donné, sans doute retrouverais-je Don Quichotte qui fut la passion de mes dix ans. Ou bien diront certains tout au long de mon œuvre une manière de don-quichottisme n’a-t-il cédé de m’animer. Manie de redresser les torts, de se faire le champion des opprimés, etc … Le don-quichottisme, me semble-t-il, c’est pour l’essentiel, un désir obsédant de retrouver le passé derrière le présent. Si d’aventure un original se souciait un jour de comprendre quel fut mon personnage, je lui offre cette clé.

Je me demande bien quel original il avait en tête … Mais, attendez, mais oui … Cet original, c’est moi, le Paraklet ! Décidément, Claude Lévi-Strauss était un peu mon Jean le Baptiste à moi – mais oui vous savez ce prophète qui avait annoncé la venue du Christ.