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Là où ça coince, c’est que ça goutte …

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Mais ça n’est pas le plus gros problème. Le plus gros problème, il est sémantico-linguistique car figurez-vous que dans beaucoup de langues « ShaTa » a aussi le sens de ce qui GouTTe, à commencer par l’hébreu où ShaTaT qu'on a déjà vu signifie aussi couler goutte à goutte, notamment dans le traité des Tentes, ʔoHaLowt – qui traite des lois relatives aux MaLaDies de Peau. Mais on reviendra sur ces tentes et ces maladies de peau – maladies de peau qui se disent aussi SheʔeT en hébreu soit dit en passant 🙂

En attendant, ce sens de goutte, on le trouve aussi en latin, où la goutte se dit STiLLa et STiRia, et en grec où la goutte se dit STaGôN ou STiLè, du verbe STaZô, et STaLaSSô, qui signifient couler goutte à goutte. Enfin, on retrouve aussi nos gouttes dans la MoîTeuR, MoiSTure en anglais. Avoir les mains ou le front MoîTes c’est laisser perler des gouttes de SueuR.

Et du coup, j’étais un peu moins sûr de mon explication sur « ShaTa » incarnée par les pierres dressées. Comment en effet réconcilier l’immense champ sémantique de « ShaTa » avec cette idée de goutte? Au début j’ai pensé aux STaLaGMiTes. Et oui, les stalagmites et les STaLaCTiTes – de STaLaSSô en grec. Je me disais que ces impressionnantes structures minérales avaient marqué les esprits. Mais j’avais du mal à réconcilier l’universalité de « ShaTa » et sa présence en particulier en Egypte, par une explication faisant intervenir les grottes ornées d’Europe Occidentale datant d’il y a 20'000 ans. C’était beaucoup trop loin géographiquement de l’Afrique de l’Est et beaucoup trop récent.

Ce qui goutte, pique !

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Ca m’a travaillé pas mal de temps – jusqu’à ce que là encore, éuRèKa, je réalise qu’une GouTTe coule toujours le long d’une PoiNTe, d’un PiC – et que plutôt que les STaLaGMiTes et les STaLaCTiTes minéraux, c’était les stalactites de glace, universels sous les latitudes tempérées qui avaient été à l’origine de ce déplacement sémantique.

Et oui parce que figurez-vous qu’on retrouve ce sens de pointe qui PiQue associé à « ShaTa » en Egyptien, hébreu, en grec et en latin. Avec tout d’abord en grec STiZô qui signifie piquer, TaTouer, STiGma qui signifie une PiQûre, un TaTouage, et en latin, haSTa, la LaNCe. Ca vous dit quelque chose les STiGmates du ChRiST? Et la lance avec laquelle le soldat, le STRaTiotès 🙂, TRaNSPeRCe la dépouille du Christ encore sur sa CRoiX ? Mais patientez encore un peu, on arrive bientôt aux Evangiles.

En latin toujours, on retrouve aussi « ShaTa » avec le sens de piquer dans STiLus qui signifie une TiGe pointue, un éPieu, un STyLet, une pointe, STiMuLus qui signifie l’aiGuiLLon, la pointe, mais aussi dans STinGuo qui signifie éTeindre mais qui semblait initialement avoir aussi le sens de piquer, et que l’anglais a gardé avec STinG, et qu’on retrouve par exemple dans eXTiNGuo qui signifie à la fois éMouSSer une pointe, un TRaNChant et éteindre, ou dans iNSTiGuo qui signifie iNSTiGuer, dans DiSTinGuo qui signifie DiSTinGuer – par une marque, un tatouage. Le Feu ça pique – ça s’aTTiSe, SToKe en anglais.

Les médiévistes parmi vous – ou les anciens amateurs de jeu de rôle comme moi connaissent peut-être ce qu’on appelle une arme d’eSToC et de TaiLLe. L’estoc en vieux français, c’est la pointe et la taille c’est le tranchant. Pour rester dans le vieux français il y a aussi eSTaChier qui signifiait FiXer, PLaNTer, et que l’on a conservé avec aTTaCher. Notez enfin que notre STeRNum est non seulement DReSSé, mais qu’il a aussi une forme de Pieu.

En anglais il y a deux animaux qui sont particulièrement pointus: STaG, le CeRF, aux bois pointus, et SToRK, la CiGoGNe qui se tient DRoiTe et au BeC bien eFFiLé. Mais il y a surtout STiTCh, qui signifie PeRCer, et CouDre, avec une aiGuiLLe, STaB, PoiGNaRDer, transpercer, ShooT et CaST, qui signifient TiRer, et dans STaKe, qui a le double sens de pieu, mais aussi d’eNJeu, de MiSe – où l’on retrouve notre lien avec l’iNSTiTution, ce qui est FoRMalisé. Cast a stake ça n’est d’ailleurs aussi pas très éloigné de SToQos la CiBLe en grec.

Goutte de Stalactite
Figure: Goutte de Stalactite

ShaTa … Ra !

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Ce qui est beau avec « ShaTa », le Pieu iMMoBiLe et DReSSé, c’est que ce mot est non seulement très STaBLe – mais qu’en plus il s’oPPoSe et en même temps se ComBiNe naturellement à « Ra », qui exprime l’idée de JaiLLissement qu’on a vu au début de cette année. C’est ce que j’appelle nos 3 compères « Sha Ta Ra ».

Pour ce qui est de l’opposition, pensez par exemple à la ChaîNe « Sha », et à la TRaMe « TaRa », ou aux comparatifs et aux superlatifs en anglais, comme MoRe et MoST, qu’on a déjà vu ensemble. Pensez aussi, pour revenir au français, à eSTer en JuSTiCe, qui est tout sauf eRRer, se TRoMPer. Ou enfin, dans la mythologie Egyptienne – au ConFLit qui opposait d’un côté la déesse Isis, ASeT en Egyptien, et le dieu Set, SeTeH̱ en Egyptien, et de l’autre les dieux Ra, RO, et Horus, ḤoRu.

Mais « ShaTa » ne fait pas que s’opposer, il se combine aussi avec « Ra ». En hébreu, on a déjà vu ReSheT le RéSeau, le filet, qui combine le RaRe, le RaYé, « Ra », avec « ShaTa », le TiSSu. En Français, il y a par exemple la STRie, en anglais STReaK, proche aussi probablement de STRiKe et STRoKe. La strie c’est cette TRaCe – « Ra » – que l’on fait avec un objet PoiNTu – « ShaTa » et qui fait un bruit STRiDent. Tout comme STiRia était la GouTTe qui CouLe – « Ra » – le long de la pointe – « ShaTa », sens que l’on retrouve aussi avec STReaM.

En fait, l’anglais adore cette forme en « STR » avec par exemple STRonG FoRT, STRaiGhT DRoiT et honnête, STRiVe s’eFFoRCer, STRiDe marcher à grandes enjambées, STaiR, l’eSCaLier qui se dresse, STeeR, redresser, ou diriger, ou STaRe qui signifie regarder FiXement. Dans chacun de ces mots « ShaTa » exprime ce qui est DuR et droit, et « Ra », incarne la PuiSSance, le MouVement, la DiReCTion, la DyNaMique.

En latin, cette combinaison « ShaTa-Ra », immobilité / puissance, se trouve aussi dans RoSTRum, le RoSTRe, l’éPeRoN des bateaux ou des insectes qui TRaNSPeRCe, STRiX, le hiBou immobile au regard PeRÇant, et aSTeR, les aSTRes, qui sont fixes et LuMiNeux.

Fusion phono-sémantique

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C’est ce que j’appelle la fusion phono-sémantique – et qui peut aussi se faire entre « ShaTa », la PoiNTe qui GouTTe et « TaRa », la ToRSion, par exemple en grec, avec STRaGGiZô qui signifie eSSoRRer, ToRDre pour faire SoRTir les gouttes, et qui a donné ensuite le sens d’étrangler, STRaNGLe. STRaGGiZô c’est tordre, TouRNer, « TaRa », pour faire goutter, « ShaTa ».

On retrouve aussi ce mélange entre torsion et DRoiT avec WReST en anglais, qui signifie tordre, qu’on retrouve aussi dans le PoiGNet, WRiST – cette aRTiCuLation entre le BRaS, droit, et la MaiN, MoBiLe - ainsi que dans STRaP et STRiP en anglais, ces BaNDes de cuir qui eNTouRent le BRaS – comme les TeFiLiYN, les PhyLaCTèRes que je portais dans ma vidéo sur le Messie. Dans le même ordre d’idée, il y a aussi les STRoPhes, de STRéFô en grec – même si la fusion phono-sémantique est ici moins évidente.

Mais il y a surtout STiR, avec lequel j’ai choisi de commencer cette vidéo, vous vous souvenez la fameuse chanson de Bob Marley, STiR it up. STiR c’est très intéressant. Car STiR, cela signifie d’abord iNCiTer, eXCiTer, avec une pointe – où « ShaTa », le Pieu, entraîne « Ra », le son, la PuiSSance.

Mais STiR signifie aussi MéLanGer, une SouPe ou un BouiLLon par exemple, avec une CuiLLèRe, ou un bout de bois VeRTical placé verticalement. Et on retrouve ce sens dans SToRM, la TeMPêTe. Bref, avec STiR, on n’a pas seulement une, mais deux fusions phono-sémantiques : d’une part « ShaTa », la pointe, et « Ra », le JaiLLissement, et d’autre part, « ShaTa », ce qui est droit et « TaRa », ce qui tourne.