Bon, avant de plonger dans le mot « Tour », je dois de nouveau commencer par un erratum. Ben oui quoi, ne croyez pas que ce soit facile, j’ai beau être le Paraklet, je suis un homme comme tout le monde. Bref, dans ma dernière vidéo sur le PaRTaGe, lorsque je vous ai parlé des PaRTies de la carcasse, j’aurais dû vous parler de l’aNTéRieuR et du PoSTéRieuR – qui découpe à la fois le temps mais aussi le corps. En grec, postérieur se dit ySTéRos, d’où dérivent ySTéRa, les eNTRaiLLes et l’uTéRuS.
Tiens, en passant, ySTéRos, postérieur, c’est un comparatif – savez-vous comment se dit le superlatif, « le plus ancien » ? ySTaTos – encore cette même forme en R et ST, qu’on retrouve en anglais avec MoRe et MoST – ce que j’appelle mes 3 compères. Mais revenons à nos entrailles, celle du VeNTRe, VeNTeR en latin, GaSTèR en grec. D’où vient notre GaSTRo-.
Un autre mot que j’ai oublié dans ma dernière vidéo sur le partage, c’est ToRReo, qui signifie SéCher – et qu’on retrouve dans ToRRiDe ou ToRRéFié. Quel rapport vous allez me dire avec le partage de la viande ? Il est simple le rapport, la viande séchée, « carne seca », au Brésil 🙂 - ça se fait en découpant la viande en petites lamelles qu’on étend au soleil. En grec, la viande séchée, ça se dit TaRiQos.
Ensuite, en Egyptien il y a aussi ITReT, une ligne, une rangée – bref, un TRaiT. Et enfin, et cet oubli est impardonnable, on retrouve TaR dans TeRuwMah. La TeRuwMah, dans la TowRah, c’est la ConTRiBution, la PaRTie qu’on aPPoRTait aux PRêTRes du temple. Voilà pour le PaRTaGe – ou le PoRTaGe pour reprendre le jeu de mot de Marcel Jousse, cet anthropologue passé de mode sur lequel je reviendrai bientôt.
Mais ça n’est pas tout. Je dois aussi compléter mon avant dernière vidéo sur le son Ra sur plusieurs points. Tout d’abord, vous vous rappelez peut-être que j’avais mentionné le filet, ReTe en latin, en référence au RaYé. J’aurais du vous mentionner qu’en hébreu, le filet, le réseau se dit ReSheT – rappelez-vous ShaR SeR, le TiSSage …
Mais surtout, la plupart des verbes utilisés dans la Genèse pour exprimer l’idée de création comporte le son Ra : ʔaMaR dire, QaRaʔ appeler, BaRaK BéNir, BaRaʔ CRéer, SéPaRer, et NiReʔah, aPPaRaître – il y a bien sûr aussi HaRah qui signifie ConCeVoir, eNFaNter – vous vous rappelez on avait la même chose en Egyptien avec IRI notre œil qui exprime l’idée de faire ou concevoir. Mais surtout – j’ai oublié de mentionner YaRaʔ : la CRainte. La CRainte de la puissance de l’éTeRNel, du divin. Du iéRos dont je vous ai déjà parlé.
Et pour revenir à l’Égyptien il y a aussi IARuW le RoSeau, qui pousse comme un TRaiT, au BoRD de la RiVièRe – très important le RoSeau en Égypte, mais je ne vous le dessine pas celui-là, il va prendre toute la place, et j’en ai besoin. Mais il y a aussi HRuW, le JouR dans le même champ sémantique que l’auRoRe, l’oR, ʔowR la LuMièRe en hébreu.
Enfin il y a WOR qui signifie fuir, dans un mouvement RaPiDe, et dont dérive aussi WOReT qui signifie la jambe – ainsi que, probablement, RuWT, la PoRTe dont je vous parlais dans ma dernière vidéo en le rattachant, probablement par erreur, au concept de trancher. Mais je reviendrai à la fin de cette vidéo sur mes doutes quant à l’Égyptien antique.
Bref, comme le disait Héraclite « PaNTa Réi » tout CouLe, ou plutôt tout est « Ra ».
Bon, ce petit erratum étant derrière nous, revenons à mon procès – vous savez celui que me font les paresseux linguistes Pharisiens, qui me reprochent de choisir mes aSSoCiations. Ils n’ont pas complètement tort : quand on s’intéresse à la linguistique paléolithique, il faut être systématique, si l’on ne veut pas rester un pharisien paresseux et ignorant.
Regardons donc d’un peu plus près tous les mots en hébreu qui finissent par TaR. Nous avons déjà vu BeTaR, la PaRTie d’un animal, waTaR, la partie qui est abandonnée, yowTaR le surplus du PaRTaGe, MuTaR, une partie qui est permise. Enfin il y a aussi nowTaR – avec un Vav, le reste du partage.
Arrêtons-nous d’ailleurs un instant sur NoTaR. Sans le Vav, c’est un mot qui a plusieurs sens – dont plusieurs se rattachent à l’action du déplacement, du TRaNSPoRT que nous avons déjà vu, ou du DéTaChement, sur lequel je reviendrai dans quelques minutes. Mais il y a aussi NeTeR, la NiTRe, d’où provient nos NiTRaTes. Mais ce sens de NeTeR provient en fait de l’égyptien NeTseR – qui signifie un dieu – et NeTseR, c’est très différent de NeTeR. On y reviendra bientôt.
Nous avons aussi vu KeTeR qui signifie la CouRoNNe, le ChaPiTeau, quelque chose qui eNTouRe. Nous avons déjà vu le rapprochement avec KiTR et KaTR en arabe qui signifie la bosse du dromadaire, mais j’y reviendrai plus longuement dans quelques instants.
Mais il y’en a d’autres. Il y a tout d’abord ʕaTaR, qui signifie l’abondance, encore, mais aussi sa contrepartie: supplier - vous vous rappelez, le parasite, qui mange à côté. Il y a aussi PeTeR qui signifie RéSouDRe un problème, et sa métathèse PeRaT qui signifie … DiViSer – et d’où vient le nom du fleuve de l’Euphrate, qui se divise en plusieurs BRaNChes. Ces mots se rattachent assez facilement à la thématique du partage.
Comme vous le voyez, il y a pas mal de dérivés de TaRa – ce qui montre son caractère primordial et archaïque – mais il nous en reste trois plus problématique : tout d’abord il y a ḥaTaR, qui signifie CReuSer et ṢeTeR, le SeCReT, qu’on peut rapprocher de ṢowD, qui signifie aussi secret – ceux-là pour le moment on les laisse de côté si vous le voulez bien.
Et que nous reste-t-il ? ʔaTaR, l’endroit, le lieu ʔaÇaR en arabe. On ne le retrouve pas dans la Torah elle-même (à part au pluriel ʔaTaRym qui désigne un lieu précis), mais dans les livres d’Ezra et Daniel – comme d’ailleurs, vous vous rappelez, TowR le TauReau, qui se dit ShowR dans les autres livres de l’Ancien Testament.
Bon mon premier indice, pour comprendre le sens de ʔaTaR, c’était que c’était un endroit – car oui, on retrouve souvent le Aleph en initiale, ce qu’on appelle le « coup de GLoTTe » en linguistique (ʔ), pour exprimer l’idée de lieu : par exemple ʔY, qui signifie une île, mais aussi l’idée d’inexistence, ʔeReTs, la terre, où l’on court, ʔaḤ, le foyer, l’endroit où il y a le chaud, ou ʔaRaḤ, eRRer, qu’on a déjà vu. On a d’ailleurs le même phénomène en français avec les prépositions « à », « y », « où », « en », « au » qui expriment aussi l’idée de lieu. Rappelez-vous cette règle en linguistique Paléolithique : la France est la fille aînée de l’Eglise depuis des dizaines de milliers d’années, bien avant qu’il y ait eu une Eglise, et bien avant qu’il y ait eu des juifs.
Et en faisant quelques recherches, j’ai réalisé qu’on avait retrouvé de nombreuses traces de ce qu’on appelle des SiTes de boucherie. Les sites de boucherie c’était des endroits où étaient piégés les animaux, afin d’y être abattus et découpés en PaRTies qui étaient ensuite TRaNSPoRTées au campement. Parmi eux, le site mésolithique de chasse à l’auRoCh à Sénas, dans les Bouches-du-Rhône, a fait l’objet d’une étude détaillée, qui a permis de mieux comprendre comment nos ancêtres procédaient au découpage des animaux, grâce à l’étude minutieuse de chaque os de chaque animal.