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Que l’on retrouve le son « Ta Ra » du TouR de MaiN et de la BoNNe FoRMe au cœur de toutes les langues Indo-Européennes et Sémitiques n’a en soi rien d’étonnant. Les paléoanthropologues ont en effet depuis longtemps eu l’intuition que la TaiLLe du SiLeX avait dû être déterminante dans l’émergence du langage – comme l’ont brillamment résumé Kim Sterelny et Ronald Planer dans leur ouvrage From Signal to Symbol.

Pour résumer, le grand bond en avant dans la taille du silex, c’est ce qu’on appelle l’Acheuléen – marqué par des silex symétriques, en forme de goutte, ce qu’on appelle les BiFaCes qui furent la première fois étudiés en France en 1872, à St Acheul près d’Amiens. On voit ces bifaces apparaître en Afrique il y a environ 1'700'000 ans – et cette TeChNique de taille va durer pendant 1'500'000 ans.

Je ne sais pas si vous SaiSissez ce que c’est de ConSeRVer et transmettre une technique pendant plus d’un million d’années : cette immense profondeur temporelle explique pourquoi cette forme du biface, cette « Bonne Forme » a FaSCiNé nos ancêtres à un point tel qu’on la retrouve au cœur du langage.

A la différence des silex de génération précédente, ce qu’on appelle l’Oldowayen, qui pouvaient être réalisés en quelques heures assez facilement, l’Acheuléen est bien plus sophistiqué et exigent. Chaque coup doit en effet être beaucoup plus précis, en force, direction, et localisation. Mais surtout, le résultat final nécessite une SéRie de coups bien exécutés préalablement planifiés. On retrouve là notre idée de départ de la PRoCéDuRe : une série d’éTaPes élémentaires, d’iTéRations, permettant d’arriver à la « Bonne Forme ».

Enfin, la séquence de coups doit aussi tenir compte de la forme initiale du NuCLeus, le MoRCeau de silex à partir duquel va être taillé le biface. Dit autrement, il n’y a pas de ReCeTTe miracle. Bref, l’Acheuléen nécessite donc un très bon tour de main, et une très grande DeXTéRité.

Et ceci explique qu’à la différence des techniques précédentes, celles de l’Oldowayen, l’acquisition de la technique de l’Acheuléen passe nécessairement par l’apprentissage : car sinon, le RiSQue est grand de se BLeSSer la main ou le visage avec des éCLaTs de silex. Mais je reviendrai dans quelques instants sur l’apprentissage.

Ce qui est particulièrement bien mis en évidence par Kim Sterelny et Ronald Planer dans From Signal to Symbol, c’est que cette évolution TeChNoLoGique de la taille du silex va STRuCTuRer l’évolution de la CoGNition humaine – car elle implique de pouvoir PLaNifier et ConTRôLer une SéQuence de TâChes intermédiaires de plus en plus longue, et de plus en plus RaMiFiée – tout en gagnant en FLuiDité et RaPiDité d’exécution et en s’aDaPTant à l’iMPRéVu. Fluidité, rapidité d’exécution, imprévu – petit clin d’œil aux MaNaGers des grandes entreprises françaises 😉

Mais plus sérieusement, c’est cette évolution cognitive qui va à son tour structurer le langage en PhRaSes, en PRoPoSitions, en SuJeT, en VeRBe et ComPLéments. Bref, tout part de la TowRah, du TRaVaiL du silex – le partage, la technologie, la cognition et bien sûr, le langage. Dans tous les cas, il s’agit d’arriver à la « Bonne Forme ».

La technique ça se transmet

[Sources][Video]

Et vous comprenez à présent pourquoi on retrouve « Ta Ra » dans le champ sémantique de la TRaNSMiSSion et de l’aPPRentissage : car ces TeChNiques de TaiLLe et de DéBiTage du SiLeX devaient être TRaNS-mises. La TowRah c’est la « Bonne Forme », mais une « Bonne Forme » qui se trans-met. La TowRah c’est l’iNSTRuCTion au sens d’être instruit, mais aussi les instructions qui permettent d’aboutir à un Beau BiFaCe.

Et on retrouve ce sens d’apprentissage dans TaRaTs qui signifie répondre à une question difficile – que l’on pose à un MaîTRe, ou dans TaRGaM, qui signifie TRaDuire. On le retrouve aussi bien sûr dans l’Enuma Elish où « Ta Ra » a généralement le sens d’instruction, d’oRDRes, et de RiTes, que ce soit dans la tablette II, au verset 127 avec muTiRRu l’héRiTier, ou dans la tablettes III.35 avec TeRetusha, tes ordres, VI.45 TeReʔeti, ses ordres, VII.6, puis au verset 106 encore les instructions et au verset 78, rites.

C’est qu’au Paléolithique, on apprend à tailler très tôt le silex. Les petits s’amusent avec les ReSTes, entourés de leurs frères, sœurs, cousins, de leurs parents. PaTeR et MaTeR qui transmettent. Et ceci me permet de faire une transition vers le suffixe -TeR fondamental dans les langues Indo-Européennes.

Rappelez-vous, on a déjà croisé -TeR et -TéRos dans le champ sémantique du partage. Mais il y a aussi -TèR en grec, en rapport avec le TRaVaiL, et plus généralement -ToR, -aToR, -aTRiX en latin que l’on retrouve dans les noms d’agent – par exemple dans dictator, imperator, actor, motor … Mais aussi à l’inverse dans les noms d’agi, ce qui sert à faire quelque chose, dans les suffixes -TRoN et -trum avec par exemple le ThéaTRe.

Ce suffixe est tellement fondamental dans les langues Indo-Européennes qu’il a même incarné une divinité MiThRa, le dieu du ConTRaT, qui relie les hommes entre eux. MiTRá qui en SaNSKRiT signifie « l’aMi », ou, j’ai envie de dire, le Paraklet 😃. On le retrouve aussi dans les Gathas de ZaRaThouSTRa, avec le MáNTRan, l’instructeur et les MáNTRas, ces formules sacrées souvent GRaVées sur des PieRRes, et que l’on prononce, « uTTeR » en anglais.

On le retrouve même en Egyptien avec MeTeR qui signifie assister à quelque chose. Et vous allez voir que ce qui est particulièrement intéressant avec « Ra Ma Ta », c’est qu’on retrouve les mêmes sens avec ces 3 consonnes, et non pas seulement 2, dans à peu près toutes les langues.

Mais pour terminer sur ce registre de la transmission, même si j’anticipe un peu sur ma prochaine vidéo, je ne peux pas ne pas évoquer les SūTRa, ces TRaiTés de la littérature sanskrit qui se transmettent, ainsi que l’hiSToiRe, et les histoires.

Transmission de traditions
Figure: Transmission de traditions

Sous la ceinture

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Ce passage par Mithra et les MáNTRa qui transmettent, me permet de rebondir sur RaTaM en hébreu qui signifie haRNaCher, RaTaQ, qui signifie DéTaCher ou aTTaCher, et RaTaK qui signifie SouDer, FonDre. Tous ces mots sont liés à l’attachement et au détachement – qu’on a déjà vu avec NoTaR mais aussi avec MuTaR qui signifie permis, autorisé, mais aussi détaché.

Et on retrouve ce sens bien sûr aussi en grec avec … MiTRa qui signifie la CeinTuRe, qui s’attache et se détache. Une ceinture c’est très vieux. C’est quelque chose qui eNTouRe: et qui s’attache et se détache par le MiLieu. On retrouve ce sens dans MeTReT, en Egyptien antique, qui signifie MiDi. Midi c’est la CouPure au milieu du CyCLe solaire.

Et regardez si c’est pas beau ça : déjà on a les 3 consonnes « Ra Ta Ma » qu’on retrouve dans l’attachement, mais il y a aussi ceinture et KeTeR, qui entoure, qui ceinture! Quand je vous dis que la France est la fille aînée de l’Église depuis des millénaires, bien avant qu’il y ait une Église, et bien avant qu’il y ait des juifs, vous comprenez ce que je veux dire ?

Pierre qui lie et délie

[Sources][Video]

Tiens d’ailleurs à propos d’éGLiSe, vous vous rappelez ce passage des Évangiles où le Christ explique que le nom de PieRRe constitue le fondement de son Église, son éKKLèSia – en jouant sur les mots PéTRos et PéTRa. Continuons le verset juste après :

« Et je te donnerai les CLeFs(KLéis) du RoYauMe des Cieux (ouRaNos) »

Rappelez-vous, on l’a déjà vu ouRaNos ...

« et ce que tu auras Lié sur la terre sera lié dans les cieux ; et ce que tu auras DéLié sur la terre sera délié dans les cieux »

Bon, les clefs, vous commencez à avoir je pense une petite idée de ce dont il s’agit. Il s’agit des KLéis de l’éKKLèSia, des clefs du Paraklet. Mais qu’est ce qui se lie et se délie ? Et oui, une CeinTuRe – notre fameuse MiTRa, qui rime avec PéTRos et PéTRa.

Alors oui, c’est vrai que le mot MiTRa n’apparaît pas dans ce verset, mais s’il n’apparaît pas, c’est que malheureusement, au moment où les Évangiles furent mis par écrit, des dizaines d’années après la mort du Christ, ses proches avaient déjà oublié le son et le verbe du Christ – il ne leur restait plus que le sens, déjà surchargé de symboles et de mysticisme. Comme pour LoGos qui a remplacé éiRô, dans le fameux passage de l’Évangile de Jean que je vous ai déjà commenté.