Logo

5) Clef

« TouR-oPeRaToRs » depuis 2 millions d’années !

[Sources][Video]

Bon. Arrêtons-nous là un instant. Vous vous rappelez dans ma dernière vidéo, je vous ai expliqué comment « Ta Ra » était pour moi le mot du PaRTaGe, de ce qui se CouPe, se TRaNChe – je vous ai suffisamment tanné les oreilles avec ça depuis des années. Le problème avec cette théorie c’est que le sens de TouRNer qu’à le mot « TouR » ne cadre pas du tout avec ce sens de trancher.

Et même si on peut rapprocher le partage avec l’exploration – avec ces fameux sites de boucherie – il est beaucoup plus difficile de rattacher le sens de trancher à celui d’iTéRation, et surtout, à celui de tourner. Ce sens de tourner qu’à « Ta Ra » est pourtant bien central – car on le retrouve en hébreu, en Egyptien, en Akkadien, en grec et en latin.

Ca m’a beaucoup obsédé durant une bonne partie de l’été 2022. Et donc j’ai cherché, j’ai beaucoup cherché. Et puis un jour, comme d’habitude, j’ai eu une illumination. éuRèKa. Je m’étais trop fixé sur cette idée de partage et de découpe de la CaRCaSSe de l’animal. Et j’étais passé à côté de l’essentiel – qui était pourtant devant mes yeux depuis le début, depuis même avant que je ne devienne un spécialiste du Paléolithique.

Vous ne voyez pas ? Il est aussi pourtant devant vos yeux depuis le début … Allez je vous laisse quelques secondes pour exercer votre sens de l’observation. Toujours pas. Le SiLeX. Et ouais, le silex. Le silex qu’on découpe – ou plutôt qu’on débite – comme les carcasses d’animaux.

Le silex qu’on tourne et qu’on retourne, pour trouver le meilleur aNGLe d’aTTaQue, jusqu’à lui donner cette merveilleuse FoRMe de BiFaCe. Le silex qu’on « réCoLTe » d’abord dans des endroits spéciaux, des ʔaTaR, des CaRRièRes, desquels on récupère des NuCLeus, qui seront PRéPaRés avant d’être TRaNSPoRTés – exactement comme les carcasses des animaux.

Le silex enfin qu’on débite en suivant certaines éTaPes, dans un PRoCeSSus iTéRatif, exploratoire. Car oui, pour TaiLLer un silex au Paléolithique il ne suffisait pas de SuiVre des iNSTRuCTions – il fallait aussi être capable de réagir, d’être oPPoRTuNiste, lorsque la PieRRe se BRiSait d’une façon inattendue.

En fait, l’opportunisme, c’est fondamental au Paléolithique. Ne jamais rien GâCher, « BaL taShḤyT » en hébreu, que les MaîTResses, les MowRowt apprennent aux PeTiTs eNFaNts en école juive. Faire feu de tout bois. Tout récupérer. Jusque dans l’art pariétal, où les peintures semblent parfaitement épouser le relief naturel des grottes.

Boom. Tout était clair dans mon esprit : au Paléolithique nos ancêtres concevaient dans un même espace sémantique le silex et sa fabrication avec la carcasse et sa découpe. J’étais subjugué par tant de beauté – et j’en ai même pleuré. J’ai beaucoup pleuré d’ailleurs entre temps en réalisant tout ce que nous avions perdu avec le Néolithique.

Et cette révélation éclairait d’un jour nouveau ce fameux passage où le Christ donne le nom de Pierre à Simon Bar Yonah, ainsi qu’il est écrit dans l’Evangile selon Matthieu, au chapitre 16, verset 18:

« Et moi aussi je te dis que tu es PieRRe, PéTRos, et que sur ce RoC-là, PéTRa, je BâTirai mon éGLiSe, et les PoRTes du séjour des morts ne prévaudront point contre elle. »

C’est un verset très important pour les spécialistes des Évangiles qui s’intéressent à la question de savoir si le Christ parlait grec ou araméen – j’y reviendrai dans quelques instants.

Et vous comprenez maintenant ce que j’ai dessiné là ? Non ça n’est pas un MaNèGe. Ca n’est pas une Église ni un TRiBunal non plus. Ou alors un manège, une Église, ou un tribunal qui auraient 25'000 ans puisqu’on les retrouve dans beaucoup de grottes en Espagne ou en France. Les paléoanthropologues appellent ça un TeCTiforme, ce qui signifie « en forme de toit », mais personne n’a jusqu’à présent réussi à percer son secret.

Et bien moi, « en vérité je vous le dis », cette forme, c’est aussi celle de la TowRah, pardon de « Ta Ra », mais cette fois pas au sens du partage: c’est la forme d’un biface avec son aXe de SyMéTRie autour duquel il tourne, avec des traits qui expriment les actions de DéBiTage et des petites CuPuLes qui expriment les actions de ReTouChage. Et s’il ressemble à un manège, à une Église ou à un tribunal, c'est parce qu’il est symétrique, parce qu’il a une « BoNNe forme ».

Un sacré tour de main

[Sources][Video]

Et vous comprenez aussi maintenant pourquoi le mot « TouR » signifie à la fois TouRNer, mais aussi a le sens de FaÇoNNer, d’haBiLeté – ce qu’on appelle le tour de MaiN – et que l’on retrouve en latin dans ToRNare, qui signifie tourner mais aussi FaÇoNNer, et dans TRoPos qui signifie tourner mais a aussi le sens de MaNière, FaÇoN, MoDe, attitude.

A la manière de l’Oldowayen, de l’Acheuléen, du Moustérien, du Chatelperronien, de l’Aurignacien, du Gravettien, du Solutréen, et du Magdalénien.

Comment ? Vous ne connaissez pas ce qu’on appelle les iNDuSTRies LiThiques du Paléolithique ? Ce sont tout simplement les modes, les façons de TaiLLer la PieRRe qui ont progressivement évolué au Paléolithique, pour permettre à nos ancêtres, en gros, de produire toujours plus de mètres de TRaNChant avec de moins en moins de MaTièRe. Et ça n’est pas moi qui le dit, c’est le grand spécialiste de la préhistoire André Leroi-Gourhan.

On retrouve ce sens de mode, de CouTuMe, en hébreu, avec le mot TowRah qui a essentiellement deux sens. Celui que l’on connaît tous, c’est le sens de l’enseignement, de l’instruction, sur lequel je reviendrai dans quelques instants. Mais il y en a un deuxième, probablement plus archaïque : c’est la manière, la façon, la coutume – sens que l’on retrouve dans le 2eme livre de Samuel, au chapitre 7, verset 19 ou dans les Chroniques, au chapitre 17, verset 17, en parlant de « TowR haʔaDaM », les coutumes des hommes.

D’ailleurs, pour ceux parmi vous qui s’intéressent à l’exégèse biblique, ces deux passages quasiment identiques de Samuel et des Chroniques ne sont pas traduits de façon identique dans le canon juif alors qu’ils le sont dans la Septante. Mais bon, je dis ça, je dis rien … Quoi qu’il en soit, on retrouve aussi ce lien entre manière, FoRMe et tranchant dans les mots « RiTus », le RiTueL, et « RouTe », et « RoTa » - qui tous ont un double sens de Bonne Forme mais aussi de bonne manière.

La Bonne Forme – à la lettre!

[Sources][Video]

Ce concept de Bonne Forme est fondamental : « Ta Ra » c’est la BoNNe FoRMe, du SiLeX, comme du PaRTaGe. Dit autrement, en anglais, c’est la « RiGhT FoRM », ou la « true form ». Comment ? « TRue », VRai en anglais, provient d’un cognat proto-indoEuropéen « doru » que l’on retrouve dans « DRoiT » ? Ah mais vous, vous devez être un Pharisien ou une Pharisienne pour dire une telle ânerie ! Vous voyez les enfants, c’est ça le problème avec les Pharisiens, c’est qu’à force de tout transformer, plus rien n’a de sens. Non madame, non monsieur, dans la plupart des cas un « d » c’est un « d » et un « t » c’est un « t ».

Comme le Christ le disait, Matthieu 5, 18:

« Car, je vous le dis en VéRiTé, tant que le ciel et la terre ne passeront point, il ne disparaîtra pas de la Loi un seul iota ou un seul TRaiT de LeTTRe, jusqu'à ce que tout soit arrivé ».

Et comme vous le voyez, je suis ses instructions à la lettre: je ne transforme rien, j’applique ce principe que les linguistes semblent ne pas connaître, le principe de parcimonie.

Et « true », cela provient de TRuCe, la TRêVe, le TRaiTé. Et si on respecte un traité, c’est parce qu’il est éTaBLi dans la bonne forme.

On retrouve aussi ce double sens de bonne forme et bonne manière dans le mot latin DeXTeR, qui signifie à la fois la DRoiTe, mais aussi l’aDResse, le TouR de MaiN, ou même l’instant propice, favorable. Rappelez-vous, tailler un silex cela demande à la fois de l’adresse, mais aussi la capacité à SaiSir les oPPoRTuNités lorsqu’un FRaGment ne se DéTaChe pas comme prévu.

Éplucher un silex

[Sources][Video]

Comment ? Vous n’avez jamais TaiLLé un SiLeX de votre vie ? Mais on ne vous apprend plus rien ma parole à l’école. Bon, un bon moyen que vous compreniez visuellement ce que je raconte, c’est d’éPLuCher une PaTaTe devant vous. Regardez bien le MouVement de mes MaiNs, et la FoRMe que PRenD PRoGReSSivement la PoMMe de terre.

Et vous savez le plus drôle ? Vous vous rappelez du mot CoRTeX qu’on a vu dans ma dernière vidéo et qui signifie l’éCoRCe qui eNTouRe, KeTeR, que j’avais rattaché à la ChaiR qu’on CouPe KaReT ? Et bien figurez-vous que les paléoanthropologues eux-mêmes utilisent ce terme pour désigner ce qui reste de l’eNVeLoPPe eXTeRne du NuCLeus, ce bout d’éCoRCe qui reste dans certains silex – ce bout de Peau de pomme de terre.

Étonnant, vous ne trouvez pas ? Après des dizaines de milliers d’années, les arrière-arrière-arrière… petits-fils et petites filles reprennent les mêmes mots que leurs ancêtres utilisaient pour décrire la même chose. CoRTeX. C’est ça la force du langage humain, sa STRuCTuRe lui permet même de dépasser des générations. Sauf quand on est un linguiste Pharisien !

Taille de Silex
Figure: Taille de Silex

Fromage ou … Formage ?

[Sources][Video]

Mais revenons à notre bonne FoRMe. La Bonne Forme, c’est donc la forme du BiFaCe.

Comme la BoSSe du dromadaire, vous savez KiTR, qui a son pendant avec KeTeR la CouRoNNe, qui eNTouRe : un beau biface, ça a un aXe de SyMéTRie auTouR duquel il TouRNe. Comme, aussi, la forme du FoRMage, pardon du FRoMaGe – vous savez TyRos. Formage, fromage – et oui ! Comme, aussi, la forme d’une ToRTue, que l’on rencontre lors de la préparation d’un biface, lors de l’éTaPe qu’on appelle « PRePaRed CoRe » le NuCLeus PRéPaRé. Enfin, comme la forme du TaRSe, du grec TaRSos, ces os du pied qui ressemblent à s’y méprendre à un SiLeX DéBiTé en MoRCeaux.

Ce lien entre forme et bonne forme, on le retrouve dans le livre d’Ezechiel, au chapitre 43 versets 11 et 12 où l’on parle de « TowRat haBayiT », que l’on traduit par la règle du temple, mais qui correspond en réalité à la forme du temple et à la FaÇoN de le ConSTRuire. On le retrouve aussi dans le mot anglais « TReND » qui signifie une CouRBure, la forme de ce qui TouRNe.

Attorney or trickster ?

[Sources][Video]

Et vous comprenez maintenant ce qu’est un « aTToRNey », avocat en anglais, PaRaKLètos en grec. Ce n’est pas celui vers qui on se TouRNe – comme je vous le disais dans mon introduction - mais celui qui aTouRNe, en ancien français, celui qui aRRanGe, qui met en VaLeuR, et que l’on a conservé avec le mot aTouR – dans l’expression « être sous ses plus beaux atours ».

Et cela nous amène enfin à l’aRT : l’aRTiste c’est celui qui sait atourner – qu’il s’agisse de SCuLPTure ou de PoéSie, avec les TRoPes, ces TouRNures de PhRaSes consistant à employer un mot ou une expression dans un sens DéTouRNé, du grec TRoPè.

Et croyez-moi, atourner, c’est pas de la TaRTe – car oui pour faire une tarte qui se CouPe il faut un sacré TouR de MaiN. Et on retrouve évidemment ce sens, d’œuVRe d’aRT dans l’Enuma Elish avec le mot TeRiSha, dans la 6ème tablette, au verset 57.

Ce talent de l’aRTiste qui sait aTouRNer le SiLeX a toujours été spectaculaire, presque même magique : voilà pourquoi on parle de TouR de MaGie qui nécessite un sacré TouR de MaiN, et pourquoi aussi le mot TRuC signifie non seulement une ChoSe, qui se coupe, comme je vous le disais dans ma dernière vidéo, mais aussi TRuQuer, TRiCk en anglais, TRiCher en français. Du latin TRiCor, qui signifie RuSer, et TRiCae, qui signifie eMBRouiLLer.

Dans l’Enuma Elish aussi on retrouve ce sens de tour de magie, dans la tablette IV au verset 71 avec uTaRi. Et voilà comment on relie la TowRah au fameux personnage du TRiCkster et à ses tours de PaSSe-PaSSe, cher à mon cœur et à celui de tous les ShaMaNs et de tous les conteurs du monde entier. Le TRiCkster, c’est celui qui embrouille – mais aussi celui qui iNSTRuit.