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A l’Est d’Eden ? ou à droite d’Aden (au YeMeN) ?

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Et dans cette perspective d’une sortie d’Afrique par le Sud, le Yémen a évidemment une place très importante, d’autant plus du fait de sa géographie particulière qui en fait une terre particulièrement fertile, contrastant avec l’Arabie beaucoup plus sèche. Les Romains l’appelaient l’Arabie Heureuse - Arabia Felix. Dans la tradition musulmane aussi le Yémen a une place particulière – certains font remonter le nom de la capitale, Aden, au jardin d’Eden - où seraient enterrés selon des traditions orales Caïn et Abel. Le Yémen enfin, dont la communauté juive a une histoire très, très ancienne, remontant à l’Antiquité, avec le royaume juif de Himyar au 4e siècle de notre ère. Une histoire peut-être même encore plus ancienne que celle des juifs en Judée-Palestine.

Hélas compte tenu de la situation politique au Yémen depuis des décennies, nos connaissances sur le Paléolithique dans cette région clef sont malheureusement très, très limitées, pour notre grande perte à tous. Mais nul doute que ce pays nous réserve des colossales surprises. Mais bon, cela étant dit, le vrai paradis perdu n’est pas celui du Yémen, qui ne fut qu’une jolie petite halte dans le voyage d’Homo Sapiens. Non, le vrai paradis perdu, le Jardin d’Eden décrit par la Genèse avec ses multiples rivières, dont le Pishon qui contourne le pays de Havila, où se trouve le bon or, le Gihon qui contourne le pays de Koush, c’est celui de l’Afrique de l’Est Équatoriale – la région du Rift et des grands lacs, à commencer par l’Éthiopie, berceau de l’Humanité depuis des millions d’années.

Ce souvenir de l’Afrique Équatoriale, on le retrouve par exemple dans les termes utilisés pour décrire le pays de GoSheN où ils séjournèrent avant de sortir d’Égypte. GoSheN, c’est le GaN haYaShaN, l’ancien jardin. Oui les Pharisiens. Un jardin d’abondance où « il nous souvient du poisson que nous mangions pour rien en Égypte, des concombres et des melons, des poireaux, des oignons et de l’ail  » pour reprendre les mots de Nombres (11.5) – toutes sortes d’aliments qu’on retrouve plutôt dans un environnement très humide.

4) Avant l’Égypte, l’Afrique

Et maintenant que vous en savez un peu plus sur cette sortie d’Égypte ou plutôt d’Afrique, il est temps pour nous de traverser dans l’autre sens le détroit de Bab el Mandeb, et de poser le pied sur notre Terre Mère, l’Afrique de l’Est – et plus précisément la Forêt Équatoriale où vivent encore aujourd’hui les Pygmées.

Des Pygmées en Égypte

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Je vous ai longuement parlé dans mes autres vidéos de The Forest People, le livre magnifique de Colin Turnbull sur les Pygmées Bambuti de la Forêt de l’Ituri. Mais dans cette vidéo, nous allons nous plonger dans un autre ouvrage, celui de Jean-Pierre Hallet et Alex Pelle paru en 1974 – Pygmy Kitabu, les Écritures Pygmées. Car ces auteurs ont été les premiers à mettre en évidence les liens entre les mythes Pygmées et ceux de l’Égypte antique. Tout comme East Libyans étudiait les traces laissées par les Berbères d’Afrique du Nord dans les textes de l’Antiquité, en particulier ceux d’Hérodote.

Et même si beaucoup est à redire sur l’argumentation générale de Jean-Pierre Hallet et Alex Pelle – qui ne vivaient pas aux temps bénis du Paraklet – on y trouve beaucoup de choses intéressantes. En particulier l’importance que les Pygmées avaient dans la mythologie des anciens Égyptiens, avec ce compte-rendu incroyable relatant l’expédition menée par le prince Herkhuf d'Éléphantine vers le pays des Pygmées mythiques, à l'époque de la VIe dynastie des Pharaons d’Egypte. Ce voyage dans la région de la forêt équatoriale fut un événement si rare et extraordinaire que le texte de la lettre de félicitations du Pharaon Pépi II fut gravé sur la façade de la tombe du prince Herkhuf.

Je vous le lis tel que rapporté par Jean-Pierre Hallet et Alex Pelle:

« Vous annoncez dans votre lettre  », écrivit le roi d’Égypte à Herkhuf, « que vous avez amené du Pays des Arbres et du Pays des Esprits un Pygmée Danseur de Dieu, semblable à celui que le Conservateur des Sceaux divins, Ba-Wex-Djed, ramena de Pount à l’époque du roi Isosi… Salut au Danseur de Dieu, à celui qui réjouit le cœur de Pharaon, à celui pour qui le roi Néferkarê, qui vit éternellement, soupire…  Lorsque vous l’amènerez au navire, choisissez des hommes de confiance pour surveiller les deux côtés du navire, de peur qu’il ne tombe à l’eau. Lorsqu’il dort la nuit, postez dix hommes robustes pour dormir à ses côtés. Ma majesté aspire ardemment à voir ce Pygmée. Veillez à l’amener vivant, vigoureux et en bonne santé, à mon palais, puis Sa Majesté vous accordera des récompenses bien plus importantes que celles accordées au Conservateur des Sceaux divins à l'époque du roi Isosi  ».

On sait par ailleurs que des échanges existaient entre l’Egypte et l’Afrique Equatoriale, puisqu’on a retrouvé une statuette d’Osiris au Zaire (P57). Il y a aussi (P13) cet autre texte de la pyramide du monarque Pépi Ier de la VIe dynastie qui déclare :

Celui qui est entre les cuisses de Nout est le Pygmée qui danse comme le dieu et qui réjouit le cœur du dieu devant son grand trône.

Cet amour de la danse donne à Jean-Pierre Hallet et Alex Pelle l’occasion de faire un rapprochement avec le personnage biblique du roi David, qui adorait lui aussi la musique et la danse – au point de paraître fou à ses proches – et qui bien que n’étant pas grand comme Saul, fut victorieux du géant Goliath (P105).

Ils font même le rapprochement osé avec les Elfes des mythologies celtes, notant P12 que les Pygmées partagent avec ces personnages une même petite taille, un même caractère facétieux et farouchement indépendant, et une capacité à envouter et fasciner une audience grâce à leurs mélodies polyphoniques et leurs danses. Enfin, Jean-Pierre Hallet et Alex Pelle pensent que le dieu Bes, représenté comme un petit personnage trapu et poilu, serait lui-même un pygmée. Bon, il nous faudra trier le bon grain de l’ivraie entre cette histoire d’Elfes et ce dieu nain Bes. On y reviendra…