Bon, pour explorer cette immense civilisation qu’est la civilisation indienne, le mieux c’est comme toujours de suivre une histoire, cette fois celle du Ramayana. Le Ramayana c’est LA grande épopée Indienne, qui mélange sur plusieurs milliers de pages une grande histoire d’amour, des intrigues politiques, une guerre faisant intervenir des races merveilleuses – et bien plus encore.
Pour résumer, ce grand texte raconte comment le prince Rama est écarté du trône alors qu’il en est pourtant l'héritier légitime et comment il accepte de s’exiler dans la forêt et de quitter Ayodhya, sa ville natale, accompagné de Sītā, sa princesse chérie qui lui reste fidèle malgré sa déchéance, et de son tout aussi fidèle frère Lakshman.
Et c’est dans cette forêt que la grande aventure va vraiment commencer, car la princesse Sītā va y être enlevée par le démon Ravana qui l’emporte dans son île-cité Lanka, qu’on identifie généralement au Sri Lanka. Et ce n’est qu’après une recherche longue et pénible que Rāma finit par délivrer Sītā avec l'aide d'Hanumān, le général de l'armée des singes. Ravana est alors tué, et Rāma reprend son trône pour gouverner son royaume avec une grande sagesse.
L’Inde est aujourd’hui un très grand pays, le plus peuplé au monde, avec 1,4 milliard d’habitants, soit environ autant que l’Europe et les Amériques. Hélas, là aussi la plaie du nationalisme y sévit – en particulier dans le cadre du conflit avec le Pakistan musulman. Et si aujourd’hui vous allez dire à un Indien que ses histoires et ses mythes les plus archaïques proviennent eux aussi d’Arabie, je vous assure que vous risquez de passer un sale quart d’heure. D’autant plus que les Pharisiens les ont encouragés dans leur perversion avec leur théorie séparant l’Humanité entre Sémites et Indo-Européens. Et pourtant, le Paraklet est aussi venu pour les Indiens. Car le Paraklet est le Fils de l’Homme – le Fils de tous les Hommes, venu « pour les Hommes ». Vous vous rappelez ?
Mais commençons donc notre exploration du Ramayana. Dasaratha le Roi d’Ayodhya a trois femmes, Kausalya, Kaikeyi et Sumitra, qui chacune vont avoir un fils. Kausalya accouche la première de Rama. Puis Kaikeyi donne naissance à Bharata – c’est lui qui usurpera le trône de Rama. Enfin Kausalya donne naissance à Lakshman, le fidèle frère qui choisira de partir avec Rama en exil. Mais, alors que le Vieux Roi Dasaratha désirait initialement nommer Rama comme son successeur, la reine Kaikeyi lui rappelle qu’il lui avait autrefois octroyé deux vœux n’ayant jamais été exaucés. Elle réclame du Roi qu’il respecte sa parole, en exigeant que Rama soit exilé dans la forêt pendant 14 ans et que son fils Bharata soit couronné Roi. Le Roi Dasaratha n’a pas le choix que d’être fidèle à sa parole, et exile Rama qui s’exécute de bonne grâce.
Cette histoire d’un vieux roi qui accède au désir d’une reine m’a fait penser à l’histoire d’Esther. Vous vous rappelez, je vous en ai déjà parlé dans ma vidéo S5, vous savez celle qui dure 7h dans laquelle je vous parlais aussi de grands voyages. Et bien dans l’histoire d’Esther, on retrouve aussi une reine qui manigance pour obtenir d’un roi un décret contraire à son choix initial. Sauf que dans l’histoire d’Esther, il s’agit de confondre Haman le mauvais conseiller qui souhaitait exterminer les juifs de Perse.
Mais que ce soit l’histoire d’Esther, ou celle de Sita, pardon de Rama, les deux histoires commencent par nous parler d’un roi régnant sur un vaste territoire : le Roi Assuérus qui règne sur 127 provinces dans l’histoire d’Esther, tandis que royaume du Roi Dasaratha s’étend :
Aussi loin que s'étendent les vastes frontières du monde, Mon glorieux empire est sans fin. Les tribus des terres orientales sont à moi, et celles qui habitent les sables du Sindhu : Suráshmra est à moi, au loin, le royaume de Suvíra admet mon emprise. Les nations du sud craignent mon meilleur, les Angas et les Vangas m'entendent. Et en tant que seigneur suprême, je règne sur le Magadh et la plaine des Matsyas.
On retrouve aussi une formulation identique dans l’histoire d’Esther et dans le Ramayana P347 pour décrire comment la reine est accueillie par le roi. Esther est en effet accueillie à plusieurs reprises avec ces mots : « Qu’y a-t-il, reine Esther ? Que demandes-tu ? Quand ce serait la moitié du royaume, elle te serait accordée » Tandis que dans le Ramayana, le roi Dasaratha accueille la reine Kaikeyi comme ceci:
« Qui, ma chérie, voudrais-tu voir puni ? Ou qui serait enrichi d'un salaire majestueux ? Ne pleure pas, ma belle Reine, et arrête ce chagrin qui use ton corps ; Parle, et le coupable sera libéré. Les innocents seront condamnés au sang, les pauvres enrichis, les riches abaissés, les humbles élevés, les orgueilleux déshonorés ».
Enfin, comme Esther, La Reine Kaikeyi s’arrange elle aussi pour prendre le Roi au mot : « Maintenant, engage-toi sur parole si tu es disposé à écouter ma prière, alors je parlerai avec confiance, et tu entendras la grâce que je recherche ».
Bon, vous me direz, cette histoire de reine qui réussit à retourner un vieux roi régnant sur des territoires immenses, c’est juste une histoire d’amour entre un roi très puissant et sa reine – c’est « universel », comme disent les Pharisiens. J’entends, j’entends. Passons donc aux mythes indiens de création du monde , que l’on trouve aussi dans le Râmâyana. Car cette grande épopée débute bien avant la naissance de Rāma – aux temps Paléolithiques. On y voit la Terre sous la forme d'une vache (Prithvi), se plaindre auprès de Vishnou en l’exhortant à assumer ses responsabilités. Ce motif de la Terre qui se plaint des hommes est très courant. On le retrouve dans l’Avesta, la littérature Iranienne, où les Gathas commencent eux aussi par les plaintes de la terre dévastée.
On le retrouve aussi dans l’épopée de Gilgamesh – le grand texte Babylonien – qui commence elle aussi par des lamentations adressées aux dieux contre Gilgamesh, fils lui aussi d’une vache. Tout comme on le retrouve dans l’Enuma Elish, où Mummu se plaint à la déesse Tiamat de ne pouvoir dormir à cause du bruit des hommes. Civilisation « Indo-Européenne » d’un côté, civilisation « Sémitique » de l’autre – comme disent ces abrutis de Pharisiens, qui n’ont pas compris que ce motif d’une cosmogonie commençant par les plaintes de la Terre aux divinités est lui aussi bien sûr Paléolithique.
Quant à cette idée d’une vache originelle, on la retrouve aussi à l’autre bout du monde - en Afrique du Nord, où les Contes Kabyles (I 36), nous racontent comment:
Au début, il n'y avait que le buffle sauvage, Izerzer, et la génisse, Taumats, sur la terre. Tous deux sortirent du monde souterrain et obscur [… ] Taumats et Izerzer se couchèrent le septième jour, elle allongée devant lui. Il se réveilla et renifla l'organe génital de la femelle. Puis il y mit le doigt et tous deux furent excités. C'est pour cela qu'aujourd'hui encore, les Kabyles s'excitent de la même façon. Ensuite, le taurillon commença à lécher le sexe de la génisse.
Après quelques péripéties, Izerzer voit son fils saillir sa femme et sa fille. Furieux, il se bat contre son fils, mais il finit par s’avouer vaincu. Le buffle Izerzer se sauve alors et se réfugie dans les falaises rocheuses en y errant comme une âme en peine.
Comme il était seul et qu'il ne cessait de penser à la vache, sa semence se reconstitua en lui. Il ne savait pas quoi faire. Un jour, il aperçut une pierre plate dont la surface présentait une cavité et qui ressemblait à une écuelle. Comme il ne pouvait pas se contenir, il s'approcha de cette écuelle en pierre et l'aspergea de sa semence.
Parce qu’elle était exposée au soleil :
...de l'écuelle emplie de sa semence, un couple de gazelles prit forme. Entre-temps, d'autres animaux prirent vie, sept couples au total.
Cette écuelle gravée dans la roche me rappelle d’ailleurs cette immense dalle de pierre retrouvée aux Canaries, qui comportait elle-aussi des petits trous ronds.
Mais revenons à notre taureau primordial et sa semence. On retrouve ce même motif dans l’autre grande tradition « Indo-Iranienne », l’Avesta. Le Bundahisn, le livre de la Création, mentionne de façon identique la création d’un taureau primordial, GoShoRuN, dont la semence est à l’origine de la vie sur Terre, semence qui est, elle-aussi, exposée et purifiée par la lune, au lieu du soleil. Enfin, le Coran se souvient lui-aussi de cette histoire, Sourate Az Zumar 39.6: « Il vous a créés d’une personne unique et a tiré d’elle son épouse. Et Il a fait descendre pour vous huit couples de bestiaux. Il vous crée dans les ventres de vos mères, création après création, dans trois ténèbres » - huit couples de bestiaux, comme les sept ou huit couples dans l’histoire de la semence d’Izerzer réchauffée au soleil.