Bon, récapitulons. De l’extérieur, les rituels de la société Hawaïenne ont de nombreux traits « bibliques », en particulier la construction de ce tabernacle par les dignitaires religieux pour y sacrifier aux dieux, le recours aux pierres dressées souvent ointes d’huile qui sont reconnues comme étant des ouvertures célestes permettant de communiquer avec les ancêtres. D’un autre côté, cette même société Hawaïenne semble emprunter de nombreux traits à ces mystérieux KouFaR, muShRiKun du Coran, que l’on traduit par mécréant ou associateurs, avec une obsession pour la fonction fécondante de la pluie, le culte des ancêtres, l’infanticide féminin, et, bien sûr encore, les pierres dressées.
On a comme un triangle inversé avec à la base Hawaï, connectée à deux sommets, le TaNaKh et le Coran, mais dans des registres opposés : Hawaï semble critiquée par le Coran, alors qu’elle emprunte de nombreux traits Bibliques. Il y a là comme une opposition bizarre, là où on s’attendrait plutôt à un parallélisme. On y reviendra – car les choses sont toujours bien plus compliquées qu’elles n’y paraissent …
Intéressons-nous donc à présent à la substantifique moelle d’Hawaï, ses mythes. Et commençons par le commencement. Bereshit. La création du monde par KaNe, le procréateur, le plus important des dieux Hawaïens. Tout d’abord, ce qui est très intéressant dans le livre de Serge, c’est que chaque mythe est restitué souvent avec plusieurs variantes. Et ça c’est FONDAMENTAL les enfants. Il n’y pas un seul mythe, mais a toujours une variété de mythes. C’est assez contre-intuitif pour nous qui avons grandi dans un monde de Pharisiens, où notre connaissance est entièrement structurée par l’Écriture, par la Lettre qui tue, qui fige notre connaissance et nous a fait oublier nos racines Paléolithiques. Mais avant l’Écriture, lorsque les connaissances de l’humanité étaient transmises oralement, plusieurs versions d’un même mythe coexistaient sans problème. Plus on était de fous, plus on riait. Car c’est cette variété qui assurait à la fois l’évolutivité du mythe, mais aussi sa transmission fidèle – aussi paradoxal que cela puisse paraître. Exactement comme l’ADN – on y reviendra.
Mais revenons à la création du monde par KaNe dont Serge a donc le bon goût de nous rapporter plusieurs variantes. Dans une première variante, celle recueillie par Fornander, 3 dieux « émergent de la nuit » : KaNe, le dieu suprême, Ku, le dieu de la guerre, et LoNo – le dieu de la fécondité qu’on a déjà croisé plusieurs fois. Puis, nos 3 compères « créent trois cieux pour demeures : le plus haut pour Kane, l'intermédiaire pour Ku, le plus bas pour Lono ». Le modèle cosmologique du Coran lui aussi contient plusieurs cieux, 7 pour être exact. Puis, après que la terre a été formée par nos 3 compères, KaNe, le dieu suprême crée ensuite « soleil, lune et étoiles dont il peuple l'espace entre ciel et terre. Il produit le sel de l'océan que les prêtres utiliseront pour se purifier ».
Une forme humaine est ensuite façonnée avec de la terre, comme dans la Bible. KaNe sert de modèle, Ku d’artisan, LoNo d’assistant. On retrouve cette même notion de modèle dans la Genèse 1.27
Puis Dieu dit: Faisons l'homme à notre image, selon notre ressemblance.
Tandis qu’à Hawaï,
Kane et Ku soufflent [ensuite] dans les narines, Lono dans la bouche. Leur créature s’anime.
Tout comme dans la Genèse 2.7,
L'Eternel Dieu forma l'homme de la poussière de la terre, il souffla dans ses narines un souffle de vie et l'homme devint un être vivant.
Notez d’ailleurs que la Genèse aussi a eu le bon goût, comme Serge, de conserver deux variantes du mythe de création de l’homme dans ses deux premiers chapitres – ce qui a fait s’arracher les cheveux à plus d’un Pharisien car ils ne comprenaient pas comment pouvaient coexister deux variantes contradictoires d’une même histoire. C’est que voyez-vous, le propre d’un bon texte Paléoanthropologique, c’est justement de nous fournir des variantes. Plus on est de fous, plus on rit ! Serge l’avait bien compris.
Laissons donc nos Pharisiens et retournons donc à Hawaï avec Serge. Nos 3 dieux « offrent [ensuite à l’homme] un beau jardin pour vivre [et] dotent l’homme d’une épouse tirée de son flanc droit ». Même mention d’une création à partir du flanc de l’homme que dans la Genèse 2.22
L'Éternel Dieu forma une femme de la côte qu'il avait prise de l'homme, et il l'amena vers l'homme.
Puis, à Hawaï à présent,
...dans le jardin primordial […] se trouvent porcs, chiens et […] lézards de différentes sortes. Sont aussi présents un arbre tabou, des pommes d’eau sacrées, fatales aux bouches étrangères, et de l’étoffe d’écorce réservée aux grands chefs […] le couple fut chassé du jardin par le grand albatros blanc de KaNe.
Pas moins de 6 points de recoupement ici – la seule différence avec le récit de la Genèse, c’est qu’on n’a pas un serpent, mais un albatros blanc. Heureusement même qu’on a cet albatros, sinon les Pharisiens se jetteraient sur le serpent comme étant la Preuve irréfutable d’un emprunt de ces mythes à la tradition Biblique. Cette engeance de vipères !
Mais regardons à présent les autres variantes du mythe que nous rapporte si généreusement Serge. Dans celle de Kepelino,
Pendant les cinq premières périodes sont créés les cieux et la terre, le soleil, la lune, les étoiles, et les plantes pour habiller la terre. L'homme est créé au cours de la sixième période.
Même séquençage que la cosmogonie biblique.
Le premier couple « vit heureux jusqu’au jour où le grand oiseau marin à bec blanc séduit [la femme] au point de lui faire manger les pommes d’eau sacrées de KaNe. Elle devient folle et se transforme en oiseau de mer ». Le couple est emporté « en forêt. Les arbres s’écartent à leur passage mais reprennent ensuite leur place. C’est ainsi que se perd le chemin de la terre cachée de KaNe, jardin primordial ».
Même idée que dans la Bible où le jardin d’Eden une fois quitté devient inaccessible.
Le premier homme est « puni de mort pour sa désobéissance au dieu. [Il] se fait conspuer par le peuple sur la route qu’il mouille de ses pleurs » - tout comme dans la Genèse, QayiN est condamné à l’errance et aux quolibets des hommes dans la Genèse après le meurtre d’Abel. A Hawaï, ce premier homme maudit finit par se réfugier pendant des années sur colline, et il finit enterré sur une montagne qui « sert aussi de dernière demeure à ses descendants, d'où son nom, […] l’ossuaire » – tout comme dans le Livre de la Caverne des Trésors de Saint Ephrem, qui raconte comment les ossements d’Adam, le premier homme furent eux-aussi enterrés sur une montagne. On reviendra bientôt sur cette très importante « variante » du récit de la Genèse …
Revenons pour le moment à Hawaï. Dans une autre variante, celle de Sa Majesté Kamakau, le « premier homme remarque que son ombre lui est attachée, KaNe profite de son sommeil pour faire d’elle une belle femme. L’homme la trouve à ses côtés au réveil et l’appelle « ombre céleste » » - c’est aussi pendant le sommeil de l’homme que la femme est créée dans Genèse 2. Mais ce qui est incroyable dans cette variante de création de la femme à partir de l’ombre de l’homme, c’est qu’en hébreu, la côte se dit « TseLa’ » tandis que l’ombre se dit « TseL » et la forme, mouler, se dit « TseLeM ». Oui mes enfants, l’hébreu a conservé dans sa structure le souvenir de ces deux variantes du mythe de création de la femme à partir de la côte ou de l’ombre de l’homme.
Alors bien sûr, les Pharisiens qui ne comprennent rien à rien vous diront, comme pour les SheReNTe, que les Hawaïens ont repris les mythes de création de l’homme de la Bible. Mais cette mise en parallèle des variantes Hawaïennes et Bibliques montre à quel point c’est une idiotie, en plus d’être une insulte envers les Hawaïens – car non seulement ces deux traditions se recoupent sur de nombreux points dans leur récit principal, mais on retrouve en plus les mêmes variantes de ce récit principal dans chacune des deux traditions.
Mais ce n’est pas fini. Une autre grande histoire biblique – ou plutôt coranique – c’est celle de KaNaLoa, l’autre grande divinité Hawaïenne P319, le « dieu des calamars et des poulpes ». Il est
...à la tête des premiers esprits envoyés sur terre après la séparation d’avec le ciel. Crachés par les dieux, ces esprits se révoltent à son initiative parce qu’on leur interdit l’awa. Vaincus, ils sont rejetés dans le monde chtonien où Kanaloa […] devient le maître des morts. L’opposition entre KaNe et KaNaLoa recoupe celle du bien et du mal. Lorque KaNe façonne le premier homme, KaNaLoa en fait autant mais sa créature reste de pierre. Furieux il voue l’homme à la mort et concocte toutes sortes de poisons. C’est lui qui séduit la première femme, lui qui anime le grand albatros de KaNe.
Et là mes enfants, c’est une autre petite bombe – car autant l’explication de missionnaires chrétiens enseignant les ignorants Hawaïens sur leurs mythes fondateurs a au moins le mérite d’une certaine crédibilité historique, autant j’ai plus de mal à imaginer des prédicateurs musulmans débarquant à Hawaï. Car, oui, figurez-vous que cette histoire des anges déchus figure quasiment mot pour mot dans le Coran – c’est l’histoire d’Iblis, qui était du nombre des Djinns (Q18.50) et qui fut banni du Ciel (Q15.34, Q7.13) avec ses légions (Q26.95) parce qu’il était trop orgueilleux pour se prosterner devant le premier homme - ayant été créé de feu et non d’argile (Q38.76), comme l’homme. Dieu le laisse toutefois en vie dans le monde pour séduire et induire les hommes en erreur – il devient l’adversaire, Satan. C’est notamment lui qui est à l’origine du fameux ShiRK, le fait d’associer des puissances à Dieu (Q26.98) – qu’on a vu à l’instant dans la Sourate Al Isra 17.64. Et c’est aussi lui qui est à l’origine de l’expulsion de l’homme du Paradis (Q7.20, Q20.120). On reviendra bientôt sur Sssssatan.
En attendant, notez aussi que dans une autre variante du mythe Hawaïen de la création, celle de Westerwelt
KaNe fabrique une forme humaine avec de la terre. Ku et LoNo capturent un esprit de l’air et donnent vie à la création de KaNe. Son nom sera « feu ardent du Ciel ».
Où on retrouve cette même idée d’Iblis faisant partie des Djinns, ces êtres éthérés mystérieux, et se targuant d’être fait de feu et non d’argile … Les rois divins Hawaïens revendiquaient d’ailleurs eux aussi d’être faits « de pur feu, à l’image de Wakea. Toute personne qui le rencontrait était forcée de se plaquer à terre. Un tel soleil ne souffrait aucune ombre ».